D’une rue des ordures, Phuc Tân est devenue un espace artistique
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Le projet d’arts communautaires mis en oeuvre à Phuc Tân a fait changer profondément la physionomie de cette petite rue bordant le fleuve Rouge. Autrefois encombrée de déchets, elle est aujourd’hui parée des œuvres de 16 artistes peintres vietnamiens et étrangers.
Un après-midi estival, dans une petite rue du quartier de Phuc Tân, à Hanoï, un groupe d’enfants se penche sur des jouets traditionnels. Leurs visages, perlés de sueur, sont resplendissants. Pour se reposer, ils s’assoient sur une longue boîte en verre qui contient différentes pièces de moto. Ce banc spécial, conçu par Nguyên Trân Uu Dam, un artiste américain d’origine vietnamienne, fait partie d’une grande œuvre artistique intitulée Les génies Gióng de la vie moderne. Elle reflète la vie urbaine au Vietnam accentuée par la question de la protection de l’environnement.
Au pied d’une autre œuvre, quelques personnes âgées boivent un thé vert, les yeux posés sur le pont Long Biên qui se dessine au loin. Un après-midi bien tranquille !
Depuis quelques mois, les œuvres du projet d’arts communautaires de Phuc Tân font partie intégrante de la vie quotidienne des habitants du quartier. Autrefois, la rue était un lieu de collecte des déchets. L’installation des œuvres artistiques a donné un nouveau souffle à ce chemin “laissé pour compte” comme le souligne Nguyên Thê Son, conservateur du projet.
“J’aime beaucoup les œuvres des artistes. Chaque après-midi, nous nous retrouvons ici entre voisins pour faire du sport. Nous avons aussi planté des fleurs des deux côtés de la rue“, partage une habitante.
Un projet applaudi par les locaux
Initié par le Comité populaire de l’arrondissement de Hoàn Kiêm, le projet d’arts communautaires de Phuc Tân met l’accent sur la participation des locaux. Avant sa mise en œuvre, deux séances de travail ont été organisées à la Maison de la culture du quartier de Phuc Tân où les artistes ont présenté le projet intégral, l’idée pour chaque œuvre ainsi que le profil des peintres. “Nous respectons et écoutons les habitants qui ont été encouragés à participer de façon active à notre projet“, insiste Nguyên Thê Son.
Les artistes ont étudié les facteurs historiques et culturels de ce terrain au bord du fleuve Rouge. Ancien port commercial animé de la capitale de Thang Long (Hanoï aujourd’hui), il a grandement contribué à la prospérité de la ville. Pourtant, au fil du temps, le quartier de Phuc Tân a dû faire face aux problèmes environnementaux. Les ordures y étaient omniprésentes. “Nous avons décidé de recycler les déchets. Les habitants nous ont aidés à collecter bouteilles en plastique, cages à volailles, morceaux de verre… pour en faire les matières premières des œuvres. Le projet a aussi pour but d’élever la conscience des habitants quant à la protection de l’environnement“, informe Nguyên Thê Son.
L’œuvre Maisons flottantes de Lê Dang Ninh utilise d’anciens fûts – matériau principal des maisons des familles pauvres qui vivent sur le fleuve Rouge. Pour sa part, Émotions de la ville de Nguyên Hoài Giang a recours aux couvercles des bouteilles en plastique collectés par les habitants. De leur côté, des centaines de bouteilles en plastique forment l’œuvre Bateaux de Vu Xuân Dông qui valorise l’histoire du fleuve Rouge.
Hanoï en filigrane
Les valeurs culturelles de la capitale millénaire de Thang Long – Hanoï constituent une source d’inspiration centrale pour les artistes. L’œuvre de Pham Khac Quang rappelle les chanteurs de xâm (airs interprétés par les chansonniers aveugles ambulants) d’antan, un patrimoine culturel perdu de Hanoï. L’installation Tours de Trinh Minh Tiên fait l’éloge du pont Long Biên, un vestige historique de la ville. Nguyên Thê Son s’inspire, quant à lui, des marchandes ambulantes tandis que Nguyên Xuân Lam s’intéresse aux estampes populaires de Hàng Trông.
Le projet attire également la participation de deux artistes étrangers : l’Espagnol Diego Cortiza et l’Australien George Burchett.
Dans son œuvre baptisée Dragon du fleuve Rouge, Diego Cortiza utilise des cages à volaille pour constituer les lanternes qui éclairent la mosaïque d’un dragon. Architecte, photographe et styliste renommé, sa vie est liée à Hanoï depuis près de 25 ans. Les particularités historiques et culturelles de la capitale vietnamienne forment toujours les “matériaux principaux” de ses œuvres.
George Burchett, pour sa part, a créé un éléphant en acier – animal lié à l’histoire des deux sœurs Trung, personnages de la tradition patriotique vietnamienne.
“Les deux artistes témoignent d’un amour profond pour Hanoï. Leurs contributions à la communauté artistique vietnamienne sont considérables“, estime Nguyên Thê Son.
Valorisation de l’art contemporain
“Le Vietnam manque actuellement d’espaces, de musées pour exposer les œuvres d’art contemporain. Dans ce contexte, le projet d’arts communautaires de Phuc Tân permet de valoriser cet art et de laisser les peintres s’y exprimer“, partage Nguyên Thê Son.
Un espace public constitue aussi une épreuve pour la créativité des artistes. “Je suis très heureuse d’avoir pu participer à ce projet. C’est la première fois que je travaille dans un espace public. Il y a beaucoup de paramètres à prendre en compte : le choix des matériaux, la façon d’exprimer l’idée, l’interaction avec les locaux… Ce projet constitue une expérience majeure pour moi“, conclut Nguyên Hoài Giang, la plus jeune artiste du collectif.